Par Patrick Campeau
Les amateurs aiment bien comparer leurs résultats au niveau des captures avec ceux de leurs compagnons. La taille des poissons qu’ils capturent pèse souvent lourd dans la balance de leur fierté.
La plupart d’entre nous ressentiront plus d’émotions en regardant le cliché d’un gros spécimen comparativement à une zézette, comme certains les surnomment. Il est évident qu’un brochet de 10 kg frappera davantage l’imaginaire, plutôt qu’un petit combattant de 2,5 kg. Il en va de même avec une truite mouchetée de 45 cm versus une autre de seulement 20.
Relatif
Avant la venue d’Internet, nous ne pouvions contempler de beaux spécimens que dans des revues spécialisées comme celle-ci, à la télé ou dans les albums photo de nos copains. Nous retenions notre souffle quand un ami nous montrait un beau doré de 4 kg, une truite arc-en-ciel de 3 kg, etc.
Avec les réseaux sociaux, tout semble dénaturé. Par exemple, je peux recevoir, dans la même journée, 20 photos d’achigans à grande bouche de plus de 3 kilos et 20 autres de petite bouche. Le seul gros hic, c’est que nous n’avons que très peu d’information sur la provenance des poissons, sur les techniques, sur les périodes auxquelles ils ont été capturés, etc. Il est évident qu’un gros bass vivant au pays des géants, comme El Salto au Mexique, n’a absolument rien en commun ni de comparable avec un poisson semblable du fleuve St-Laurent.
Les Facebook, X, Instagram, etc., de ce monde sont les hôtes de la disproportion et même souvent de vedettes instantanées qui se servent de ces médias pour en beurrer encore plus épais et faire dérailler nos bases de normalité.
Géolocalisé
Comme on le sait, au Canada, ce n’est pas toujours très chaud, si bien qu’on estime que la période de croissance annuelle des poissons est d’environ 90 à 120 jours par année. Si on descend plus au sud, dans certains secteurs, les spécimens pourront se développer jusqu’à 250 à 300 jours annuellement. On ne parle vraiment pas du même cycle de croissance.
Puis, il faut prendre en considération que certains secteurs sont connus pour générer de bien plus gros batailleurs que d’autres. Leur génétique et ce qu’ils bouffent leur permettent de se démarquer sur plusieurs points.
Des exemples
Dans les années 2005 à 2015, la baie de Quinte, en Ontario, était reconnue comme étant l’un des meilleurs spots de pêche au doré au Canada. Je m’y étais rendu avec des amis. Imaginez-vous qu’en quatre jours, à trois pêcheurs, nous avions attrapés 43 percidés jaunes pesant plus de 4,5 kg (10 livres). Ils ont tous été graciés. Je vous laisse penser aux fantastiques clichés que nous avons pu prendre lors de cette excursion. C’était vraiment magique. Cependant, dans la réalité de mon coin de pays, quand je réussis à berner un doré de plus de 10 lb par année, je suis bien fier. Vous voyez pourquoi il faut tout remettre en perspective et ne pas regarder que la photo!
Il y a quelques années, au Grand Lac de l’Ours, j’ai capturé mon record personnel à vie; un touladi monstre de près de 20 kilos. Pour nos eaux, c’est vraiment une prise mémorable, voire impensable. Sur place à la pourvoirie, ce n’était même pas la plus grosse capture de la semaine et elle ne figurait pas dans le top 30 de la saison. Pourtant, provenant de l’eau douce, je n’avais jamais rien tenu de si gros que cette belle grise.
Dans le réseau hydrique du Saint-Laurent, en 30 ans, je n’ai jamais capturé un brochet pesant plus de 6,5 kg. Toutefois, l’an dernier dans la région de Lanaudière, en un seul après-midi avec mon copain Jean Durand, nous avons leurré quatre carnassiers aux longues dents qui faisaient osciller la balance à plus de 9 kg chacun. Il n’y a pas de comparaison possible.
Soyez heureux
Le plaisir de la pêche, c’est de tenter et de réussir à déjouer des poissons dans leur environnement. Évidemment, plus ils sont corpulents, plus on est content. En revanche, il faut toujours qu’il y ait un bémol au niveau des comparaisons et les faire avec des comparatifs vivants dans le même secteur, avec une génétique identique et se nourrissant de la même façon. Sinon, il ne s’agit pas de la même histoire.
Dans un secteur donné, un brochet de 2,5 kg peut être un trophée comparativement aux autres prédateurs. Tout comme ailleurs, un 10 kg peut être considéré comme une prise commune. Amusez-vous!
Quelques photos accompagnent ce texte pour vous aider à comprendre ce qu’est un trophée.
Bonne pêche.
Patrick Campeau
Pour commentaires et/ou questions, vous pouvez me rejoindre par courrier électronique à WWW.PCAMPEAU.COM