La science au service de la survie en eaux glacées.
Par Mark King
Se retrouver subitement immergé dans des eaux glaciales peut être une expérience effrayante. En tant que plaisanciers, on nous apprend que si cela se produit, nous devons rester à bord du bateau pour augmenter nos chances d’être secourus. La théorie veut qu’un bateau soit plus facilement repérable par les équipes de recherche et de sauvetage qui scrutent l’eau depuis le ciel et qu’il constitue une plate-forme pratique pour sortir de l’eau — au moins partiellement — afin de conserver la chaleur du corps. Tout le monde sait qu’il est extrêmement risqué de nager en eau froide, même avec un VFI.
Cependant, selon des chercheurs canadiens, Michel B. Ducharme de Defence R&D Canada et David S. Lounsbury de l’Université de Toronto, si la terre est raisonnablement proche et que les secours semblent peu probables en raison du temps ou de l’emplacement, l’autosauvetage par la nage est clairement une option. Dans son rapport 2006 sur les noyades, la Croix-Rouge canadienne indique que l’autosauvetage peut être une option dans certaines circonstances. Le rapport note que plus de 60 % des survivants d’immersions en eau froide ont nagé jusqu’au rivage, contre seulement 30 % qui sont restés à proximité de l’embarcation. Les chercheurs estiment que ce changement de perspective s’imposait depuis longtemps.
Après dix ans de recherche et trois études sur l’immersion en eau froide qu’ils ont menées, l’autosauvetage — en particulier sur de nombreux lacs et rivières isolés du Canada — est une option « viable et parfois nécessaire ».
« Nous avons réalisé une série de trois études en eau froide — une dans un lac, une dans une rivière et une autre dans un canal — parce que je remettais en question les recommandations initiales concernant la natation en eau froide. Je savais que les preuves scientifiques étaient faibles ou inexistantes », explique M. Ducharme. Il souhaitait élaborer une approche plus scientifique des recommandations relatives à l’immersion en eau froide.
Au cours de leurs recherches, les deux chercheurs ont catégorisé des éléments cruciaux du processus — la façon dont les gens réagissent à l’eau froide et ce qu’ils pensent au moment de l’immersion — et ont mis au point un régime alternatif pour l’immersion en eau froide. Leurs conseils sont faciles à suivre.
La première règle essentielle est de rester calme. À moins que vous ne portiez une combinaison d’immersion, vous subirez un choc froid dès que vous entrerez dans l’eau, en raison du refroidissement rapide de votre peau. Vous ne pourrez pas contrôler votre respiration et vous n’irez pas loin si vous essayez de nager à ce moment-là. Votre respiration redeviendra normale au bout de deux à trois minutes.
La deuxième étape consiste à élaborer un plan. En attendant que le choc froid s’estompe, réfléchissez à votre situation et décidez de nager ou de rester.
« Avec le temps, l’apparition de l’hypothermie diminue la capacité à prendre une décision rationnelle », explique M. Ducharme. « Le facteur stress joue toujours un rôle dans la prise de décision.
Si vous décidez de nager, cherchez le rivage et déterminez si vous pouvez y arriver. La plupart des personnes qui ont participé aux études pouvaient nager entre 800 et 1 500 mètres en eau froide, ou pendant 45 minutes, avant que les muscles de leurs bras et de leurs jambes ne commencent à se refroidir au point de ne plus pouvoir nager.
« D’après nos études, les gens ont tendance à surestimer la distance qui les sépare du rivage, mais ils sont bien meilleurs pour estimer le temps qu’il leur faut pour atteindre le rivage », explique M. Ducharme.
En revanche, si vous décidez de rester sur le bateau, essayez de sortir de l’eau le plus possible. Effectuez également toutes les tâches qui nécessitent l’utilisation de vos mains, comme faire des nœuds ou préparer des fusées éclairantes, dès que possible. En se refroidissant, les mains perdent de leur dextérité.
Si vous êtes en pleine nature ou au milieu de la nuit, qu’il est peu probable que vous puissiez être secouru par les moyens traditionnels dans un délai raisonnable et que le rivage se trouve à 45 minutes ou moins, la natation peut être une option viable.
Il ajoute que d’autres recherches doivent être menées. « Nous avons besoin de plus de données sur la natation en eau très froide — moins de 10 degrés Celsius. Nous devons élaborer des recommandations sur la meilleure façon d’économiser l’énergie et la chaleur corporelle lorsque l’on nage en eau froide. Nous devons également mieux comprendre le processus de prise de décision en situation de stress ».
Quant aux plaisanciers, on leur conseille toujours de rester à proximité de leur bateau. Mais ces récentes recherches offrent une option dans certaines circonstances.