Pour prospérer, la biodiversité a d’abord besoin d’eau propre et de milieux humides sains
L’expression « L’eau, c’est la vie » est à la fois simple et vraie. Tout ce qui vit, soit aussi bien les bactéries microscopiques que les gigantesques baleines bleues, a besoin d’eau pour survivre. Aujourd’hui, à l’heure où le monde est aux prises avec une dégradation sans précédent de la biodiversité, puisque plus d’un million d’espèces risquent de disparaître, cette expression nous rappelle aussi les priorités auxquelles nous devons consacrer notre attention et nos ressources conservationnistes.
Partout au Canada, les lacs et les cours d’eau apportent de l’eau potable à des millions de personnes, assurent l’habitat de milliers d’espèces et servent de toile de fond dans la plupart de nos activités favorites en plein air. Les bienfaits que nous apportent les magnifiques paysages naturels de notre pays et tout ce qu’ils ont à nous offrir font partie de notre identité. Quoi de plus authentiquement canadien que de patiner sur un étang gelé ou de pagayer en canot sur un lac tranquille? Or, nous tenons pour la plupart pour acquis l’accès à des provisions d’eau propre et abondante.
Les eaux troubles du Canada
Le Canada réunit environ 20 % des ressources en eau douce mondiales. Or, la double crise des dérèglements climatiques et de la dégradation de la biodiversité a des répercussions sur nos lacs et nos cours d’eau. Les eaux de ruissellement, les polluants, les espèces envahissantes et les algues bleu‑vert toxiques font peser des menaces de plus en plus lourdes sur la biodiversité. L’été dernier, dans les provinces d’un océan à l’autre, il a fallu temporairement fermer de nombreuses plages en raison de la piètre qualité de l’eau.
Comment pouvons-nous mieux nous occuper de cette ressource cruciale et de ses écosystèmes? En tant que pays, nous devons travailler de concert et rester fidèles à un plan d’action clair pour promouvoir la biodiversité et protéger nos écosystèmes d’eau douce, en conservant et en restaurant nos milieux humides côtiers et continentaux. Heureusement, Canards Illimités Canada (CIC) peut apporter de l’aide.
Les milieux humides : une solution inspirée de la nature
Nous savons qu’il existe, pour les plans d’eau chroniquement contaminés, une solution efficace, que nous pouvons mettre en œuvre individuellement et collectivement. Il s’agit des milieux humides. Les milieux humides assurent le lien entre le territoire et l’eau. Ils font partie des écosystèmes les plus productifs dans le monde. Il s’agit entre autres des marais, des marécages, des bogs, des étangs, des estuaires et des fens, qui sont d’importantes constituantes des bassins hydrographiques. Ces puissants écosystèmes, qui ne sont souvent pas appréciés à leur juste valeur, permettent de ralentir les eaux de ruissellement issues du paysage environnant, en évitant que le phosphore et l’azote excédentaires et d’autres nutriments nocifs se déversent dans les lacs et les cours d’eau. La végétation des milieux humides emprisonne les sédiments et les polluants, et les microorganismes de ces milieux humides fractionnent les contaminants, ce qui permet à l’eau propre de s’écouler en aval, dans les zones dans lesquelles la flore et la faune indigènes peuvent prospérer.
Les milieux humides mêmes sont riches en biodiversité. On estime à 40 % les espèces mondiales de la flore et de la faune qui vivent et se reproduisent dans les milieux humides. Certaines espèces des milieux humides comme les libellules sont très sensibles aux changements qui se produisent dans l’environnement, et leur bien-être est aujourd’hui un indicateur important de l’état de santé global des écosystèmes dans lesquels ils vivent et se reproduisent. À l’heure où les populations de ces espèces baromètres baissent en raison de la régression de l’habitat et de la dégradation de la qualité des eaux, nous devons en prendre acte. Ce qui nuit à l’un nuit aussi à l’autre, ce qui augmente le risque des « extinctions en cascade », dans lesquelles le déclin d’une espèce initiale produit un effet de domino et entraîne d’autres extinctions.
La science nous apprend que la conservation et la restauration des milieux humides améliorent la qualité des eaux
Depuis plus de 80 ans, CIC mène la conservation des milieux humides et la recherche sur ces milieux, ce qui permet de résoudre les problèmes liés à la qualité et à la quantité des eaux au Canada. Aujourd’hui, il est absolument essentiel de préserver nos provisions d’eau propre et fiable, puisque les eaux continuent d’être contaminées par le ruissellement issu des centres urbains, de l’agriculture et d’autres activités industrielles.
« Nos recherches scientifiques nous apprennent que les milieux humides servent à filtrer l’eau de la nature », explique Mark Gloutney, directeur national de la science, de l’éducation et de la planification opérationnelle de CIC.
M. Gloutney évoque une étude de deux ans consacrée aux milieux humides nouvellement restaurés dans le bassin hydrographique du lac Érié. Les chercheurs de CIC ont surveillé les influx et les exflux d’eau pour mesurer l’efficacité dans la captation des nutriments nocifs comme le phosphore. L’excédent de phosphore favorise essentiellement la croissance des algues bleu-vert, qui peuvent être toxiques, tuer les poissons et nuire aux autres représentants de la faune.
Les travaux de recherche de CIC confirment l’efficacité des milieux humides restaurés quand il s’agit de filtrer ces nutriments pour éviter qu’ils se déversent dans nos cours d’eau : les résultats de cette étude nous apprennent que ces modestes milieux humides ont réussi à filtrer l’eau dans différentes conditions — en protégeant pendant toutes les saisons les cours d’eau et les lacs en aval.
« En répertoriant et en quantifiant les fonctions et les valeurs des milieux humides par rapport à l’offre et à la qualité de l’eau douce en Amérique du Nord, nous pouvons mettre en lumière les bienfaits économiques et écologiques de la protection et de la restauration de ces écosystèmes, affirme M. Gloutney. C’est très important dans les territoires agricoles, dans lesquels la conservation et la restauration des milieux humides peuvent apporter des solutions naturelles qui permettent de favoriser la production alimentaire tout en protégeant la nature. »
Agir pour les milieux humides, la propreté de l’eau et la biodiversité
Sans eau propre, les collectivités s’exposent à des problèmes de santé et se privent de perspectives économiques. Les discussions qui se dérouleront à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP 15) à Montréal porteront essentiellement sur la protection de la nature et sur les mesures à prendre pour freiner la dégradation de la biodiversité partout dans le monde; l’une des priorités est consacrée à l’importance de la salubrité de l’eau. Malgré tous les progrès accomplis, il y a encore du travail à faire. Voici entre autres les principales mesures qu’il faut prendre, à notre avis, pour muscler la résilience des bassins hydrographiques;
- Protéger les milieux humides en adoptant, dans toutes les provinces et tous les territoires, des politiques efficaces, qui reconnaissent que les milieux humides sont des solutions inspirées de la nature et constituent un précieux capital naturel.
- Continuer de travailler en partenariat avec l’agriculture pour mettre au point des solutions durables, qui portent fruit dans le contexte de pratiques agricoles modernes.
- Réussir à créer la nouvelle Agence canadienne de l’eau du Canada, vouée à la sécurité, à la salubrité et à la saine gestion des eaux dans ce pays.
L’eau propre et accessible est essentielle à la santé humaine, à l’environnement et à une économie durable. La restauration des fonctions dégradées des milieux humides dans les bassins hydrographiques est une solution naturelle qui permet de pérenniser la biodiversité et de continuer d’offrir, à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes, de l’eau potable propre.